Dans notre société actuelle marquée par des comportements individualistes
et de consommation, s’engager semblerait dénué d’intérêt, tant pour soi que pour
les autres. L’individu agirait pour lui, sans envisager les dimensions collectives
de ses actions, vivant dans l’immédiateté, notamment de la rencontre, dans un idéal
de liberté et de plaisir instantané. Plus que de la vocation, l’engagement
tirerait aujourd’hui sa légitimité de la force intérieure de la motivation et
si auparavant il était toujours communautaire, il serait à présent moins collectif
qu’individuel. Cette exaltation de l’individu irait de pair avec une désaffection
pour l’engagement public.
La question de l’engagement se pose pour notre « communauté »
de pédopsychiatres à un moment où notre discipline traverse de grandes difficultés
et où beaucoup de nos collègues, jusque-là engagés dans le service public et l’hôpital,
quittent en nombre leurs postes. Augmentation massive des demandes, listes d’attente
interminables, « tri » des patients, situations de plus en plus complexes, manque
de moyens humains et matériels, écart grandissant entre l’idéal professionnel et
la réalité de l’exercice du quotidien, conflits récurrents avec les directions hospitalières
et les tutelles, sourdes aux multiples cris d’alarme lancés… la souf7france des
pédopsychiatres est importante. Sans parler des injonctions paradoxales de la HAS
qui nous impose des « bonnes pratiques » en ne nous donnant pas la possibilité concrète
de les mettre en œuvre.
Certains d’entre nous ne semblent plus prêts à s’engager dans
ce qu’ils perçoivent comme une impasse vide de sens, ni à tolérer la violence institutionnelle
permanente. Et dans un monde où le rapport au travail change, une partie de la nouvelle
génération ne souhaiterait plus sacrifier son « bien-être » familial et personnel
au profit de sa vie professionnelle.
Nous sommes par ailleurs ébranlés dans les fondations de nos
cadres théoriques, nos pratiques et nos valeurs, par des changements d’approches
teintées de « neuromania » au détriment de la pédopsychiatrie intégrative, par des
nouvelles organisations imposées qui fragilisent notre référence au secteur, par
des familles de plus en plus « informées » et aussi, par des médias qui nous
disqualifient.
Pourtant, nous sommes encore nombreux « à tenir » sur le chemin
de l’engagement. Mais pourquoi s’engager ? Pour qui ? Comment ? Sous quelles conditions
? Et jusqu’où ?
Si l’engagement suppose l’action, la mise en œuvre, le combat,
le choix effectif, s’engager c’est avant tout examiner nos convictions, réfléchir
sur nos opinions à la lumière de la raison.
C’est ce que nous vous proposons autour de conférences, de tables
rondes et d’ateliers, sous le regard de la philosophie, de la sociologie, de la
psychopathologie du travail et de celui de nos collègues, engagés au service de
l’enfant, de sa famille et de la pédopsychiatrie !